Même le principe de précaution a gagné les bois et les forêts du Sud de la France. Questions palombière, il y a eu longtemps deux écoles : celle qui installait ses guetteurs et ses chasseurs dans des cabanes à plusieurs mètres du sol, avec des passerelles pour aller d’un arbre à l’autre et des plates-formes équipées pour tenir, sinon un siège, au moins un bon week-end de chasse. Et l’autre, aujourd’hui majoritaire, qui s’est à moitié enterrée sous terre, dissimulée par d’habiles camouflages et d’ingénieuses galeries. Équipées aussi pour tenir une partie de chasse dans les meilleures conditions.
Grand paloumayre devant l’éternel, René Laffore (également rédacteur en chef de la revue «Palombe et Tradition») se souvient de ses premières palombières. «J’ai été initié très jeune : aller à la palombière, c’est un peu comme un rituel, le passage de l’enfant à l’âge adulte.»
De fait, c’est un milieu qui a ses règles, ses codes et qui vit à son rythme dans le Sud Ouest. Un bio rythme presque tant il est calé avec les saisons… mais décalé avec la vie moderne.
«Il y a quelques années, il faut savoir qu’à Casteljaloux (Lot-et-Garonne) par exemple, les usines fermaient en octobre puisque presque tous les employés prenaient leurs vacances pour aller à la palombe.
La tradition résiste : il n’y a presque plus d’usine à Casteljaloux mais dans les villes du Sud Ouest et dans de nombreux départements on appelle encore les absents d’octobre ceux qui ont la «maladie bleue».
Il est difficile de dater avec précision l’apparition de cette tradition explique René Laffore. Ce qui est certain, c’est qu’elle s’est développée avec l’apparition de la forêt des Landes. Mais la technique de chasse a également évolué, souligne-t-il. «Pendant la deuxième guerre il était interdit quasiment d’avoir un fusil, on a donc inventé une autre technique, la chasse au filet. Et le véritable boom de la chasse à la palombe est venu après-guerre.
Une palombière, c’est une passion qui dure cependant toute l’année. La saison de chasse (octobre) est la partie visible, mais les paloumayres s’y donnent rendez-vous pour l’entretenir, couper les arbres qui obstruent la vision, et surtout préparer l’ouverture.
Pendant plusieurs semaines les hommes (et parfois aussi les femmes) vont vivre en vase clos, en communauté, et dans un silence qui vire parfois au religieux. Mais, chasse traditionnelle elle est peut-être en voie d’extinction : «vous savez, la population des paloumayres vieillit et les jeunes ont d’autres soucis pour passer plusieurs mois à préparer la saison. D’autant que quand on n’est pas propriétaire d’un bois on ne peut pas se lancer».
René sera aujourd’hui fidèle au poste et pour quelques semaines encore. Viendra ensuite le temps du «pampaillet», ce grand banquet qui clôturera la saison… Un moment fort ou les uns et les autres décompressent de semaines de concentration et de silences forcés par le guet. La palombe c’est aussi l’école de l’humilité et des attentes vaines