le statut des femmes en Bigorre
Depuis longtemps, la société de notre pays s’est méfiée des femmes et a veillé à ne pas lui laisser l’occasion d’avoir trop de pouvoirs. Ne les a-t-on pas éloignées du trône avec la loi salique donnant la possibilité de régner qu’aux héritiers mâles ? Au XI° siècle, n’y a-t-il pas eu un concile pour savoir si les femmes possédaient une âme (le contraire eut voulu dire qu’on pouvait les réduire au rang des animaux) ? Dans les proverbes, paraît-il émanation de la sagesse populaire, ne dit-on pas : « Femme varie, bien fol qui s’y fie » ? Dans notre bonne société patriarcale, le mouvement « me too » n’avait pas encore changé la donne.
Pourtant en Bigorre, il en allait tout autrement. Certes, la femme restait un moyen d’agrandir la « maison » de nouvelles terres par un mariage arrangé, mais la société bigourdane avait institué une sorte de protection. Grand signe, la femme pouvait devenir héritière et, à l’époque ce n’était pas un petit mot. Elle pouvait ainsi porter le poids de gérer le domaine de la maison transmis par les ancêtres. C’était une très lourde responsabilité. Cela consistait d’abord à veiller à ce que « la maison » reste intacte dans tout ce qu’elle contenait au moins, et se devait de chercher à l’agrandir. En tant qu’héritière, elle était « la maison », dont elle portait le nom en place de celui de la famille parfois, et sinon les deux étaient accolés.
Elle devait veiller à la gestion des terres, l’entretien de la maison, le bétail mais aussi tous les membres vivant dans la maison mais aussi les cadets qui avaient dû s’en éloigner. La maison incarnait la famille dont le caractère avait été défini depuis l’aïeul.
Lorsque les actes notariaux apparurent, elle devait veiller à la juste répartition des biens en veillant à ce que « la maison » ne soit pas désintégrée par l’appétit d’un cadet. Une cadette cependant recevait plus qu’un cadet.
En se mariant, la femme perdait son nom pour celui de « la maison »mais se voyait pourvu en conséquence d’une grande protection dans tous les moments de la vie. Veuve, par exemple, elle restait à la maison et avait droit de siéger dans l’âtre face aux aïeux.
Pourtant une responsabilité lui incombait : donner un ou des héritiers à la famille. Dans la série O sur Lamarque Pontacq, j’avais trouvé une lettre de répudiation de 4 pages entièrement écrite, format A3, où l’époux expliquait les raisons, la principale étant que sa femme n’avait pas su lui donner d’enfants. Mais même dans ce cas-là, elle bénéficiait d’un dédommagement à condition que son montant ne mette pas en péril l’entité « maison ».